lundi 20 décembre 2010

chapitre 1 épisode 2


À sept ans, mon instructeur m’apprit la musique, m’obligeant à apprendre toutes les notes, toutes les gammes et tous les arpèges au monde et finis par jouer minutieusement les œuvres de Mozart, de Beethoven, de Bach, de Saint-Saëns et beaucoup d’autres encore. Entre temps, j’avais tout lu sur ces compositeurs dans les moindres détails, ils prirent forme dans ma tête et devinrent pour moi des amis. Par la suite, j’eus aussi une myriade d’autres amis : Tolstoï, Dostoïevski, Hugo, Homère et Cervantes. Alors, les occasions de me distraire ne manquaient plus. La période médiévale avait une grande importance dans mon choix de livres. Les châteaux gigantesques, les armures impressionnantes, les épées à double tranchant laissant des moignons à droite et à gauche, tout ce qui pouvait nourrir mon imagination insoumise me convenait. Évidemment, les adultes n’approuvaient guère ce genre de comportement et m’ordonnaient de fermer mon livre et de courir dehors. À ce moment là, je me levais, quittai le presbytère pour aller m’asseoir au pied d’un arbre, bien à l’ombre en laissant mon cerveau errer dans mon monde de fauves, de vipères et de fées. Parfois, je m’endormais, parfois, je cachais un petit livre sous ma chemise, mais dans tout les cas, je ne courrais pas. Je pris l’habitude de débattre de toutes sortes de sujets avec mes « amis » et ces discussions ne cessaient de m’enrichir. Il m’arrivait souvent de vouloir parler de politique, d’économie, de philosophie, de religion, de littérature et de science mais la plupart des adultes m’envoyaient promener car il fallait  être plus vieux pour discuter avec eux, disaient-ils. Alors, je résolus de ne parler qu’à mon cercle d’élites imaginaire, mais même eux m’envoyaient promener à l’occasion.

À huit ou neuf ans, la corvée de l’eau devint ma tâche préférée. Il faut dire qu’à cet âge-là, aller chercher de l’eau à la fontaine était l’une de mes seules excuses pour sortir de la maison. C’était bien agréable. Je marchais avec le seau et revenais tranquillement en observant ces collines parsemés de boisés, de pâturages et de maisons rustiques aux cheminées fumantes, et en arrière plan les Pyrénées, avec leurs sommets glacés à la vanille qui dépassaient le ciel.

Ces jours-là, je réfléchissais beaucoup, et très vite, cela devint mon passe-temps favori.  Peu à peu, je me mis à ériger un plan pour franchir les montagnes Je pensais à me construire des ailes et dépasser les sommets en m’inspirant de la machine de Da Vinci .Je m’imaginais voleter vers le soleil, surpasser les montagnes et atteindre le paradis en douceur.

Bien sûr, à huit ans, je ne pouvais pas concevoir de tels plans, mais je m’étais convaincu  de tout savoir. Quand on est jeune, on peut se convaincre très facilement de notre intelligence supérieure. Parfois, on a raison.
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